De l’ANCRE à l’ENCRE
Michel et Véronique de Williencourt
De l’ancre à l’encre
Rencontre avec les fondateurs des éditions du Livre Ou vert
Après un parcours aux multiples étapes, ce couple a fait des éditions Le Livre ouvert un merveilleux outil d'évangélisation.
L'ancre. C'est le nom de la maison de Michel et Véronique de Williencourt, à Mesnil-Saint-Loup, dans l'Aube. Ils ont fiché une ancre énorme au fond du jardin pour mieux signifier qu'ils ont trouvé leur point d'ancrage, sous l'aile du petit monastère olivétain qui est l'âme du village, après avoir fait passer leur barque familiale par douze adresses en dix ans de mariage. Les souvenirs de mer parsèment la maison et Michel rêve toujours de réhabiliter un vieux voilier pour remettre à flot des gens en difficulté, mais le temps familial est plutôt à l'enracinement, dans la fidélité au quotidien.
Ils m'ont raconté leur parcours aux multiples étapes, m'ont accueillie à leur table, et m'ont fait visiter l'atelier, au fond du jardin, où ils ont installé leurs éditions Le Livre ouvert.
J'ai vu au retour de l'école Matthieu, 13 ans, adorable enfant trisomique adopté en plus de leurs quatre enfants qui font désormais leurs études en ville. Nous avons prié ensemble, comme ils le font chaque jour, avec la poignée de moines d'à côté. Leur vie est simple, avec son lot de joies et d'épreuves.
Mais ce qui signe discrètement leur rayonnement, c'est qu'ils n'ont qu'un seul maître à bord : Dieu ; une boussole : Sa Parole ; et un cap constant : aimer et faire aimer les pauvres et les faibles.
C'est le livre Ton silence m'appelle de Jean Vanier, fondateur de l'Arche, qui avait scellé l'accord de leurs cœurs, et une maison de l'Arche était leur point de ralliement lorsqu'ils se préparèrent à se marier.
Ils avaient trois enfants quand ils ont lâché leur fabrique de voiles de bateaux en Bretagne, « parce que le business envahissait tout et nous éloignait de notre idéal ». Le jour où les ouvrières se sont plaintes de la présence d'une jeune personne avec un handicap mental qu'ils avaient embauchée, il a fallu « faire un choix ». Touchés au cœur par la crise polonaise de 1981, ils ont fabriqué des pantalons, qu'ils vendaient sur les marchés avec un slogan : un pantalon acheté, un envoyé pour les familles polonaises dans la misère. «On faisait confiance à l'évangile : "Ne vous inquiétez de rien, vous aurez ce qu'il faut".» L'atelier se composait d'une fille venant d'hôpital psychiatrique, d'une jeune handicapée mentale, d'un garçon sortant de la drogue, et de nous deux. Nous nous retrouvions le matin pour prier. » Puis, une année avec la Communauté du Pain de Vie leur permet un repos et un approfondissement bénéfiques, avant de retourner en Bretagne louer des bateaux. Nouvelle tentation de se laisser «bouffer» par le travail : ils lâchent tout. Jaillit l'idée des petits livres. «Vite lus -les gens ont du mal à lire -, peu coûteux... mais qui touchent leur cœur », précise Michel. « Et mettent à l'honneur petits et pauvres », ajoute Véronique.
Un stage pour se former à l'imprimerie chez les moines de Mesnil Saint-Loup, leur soutien pour démarrer les éditions Le Livre ouvert, et les premières"miettes spirituelles" voient le jour en 1987.
Cinq ans plus tard (ils viennent d'adopter Matthieu), tout menace de capoter : Michel est fauché par une voiture - un an d'hôpital, le bras droit paralysé, des douleurs nerveuses récurrentes aujourd'hui encore. Le jour de sa sortie du coma, il reçoit à éditer le manuscrit de Petite Sœur Magdeleine de Jésus, partie au Sahara fonder les Petites Sœurs de Charles de Foucauld, en dépit d'énormes problèmes de santé. Plus question d'arrêter !
En quinze ans d'édition, et cinq collections (Parole de vie, Dossiers, Parole de Dieu, Portrait, Source de vie), ils ont édité quatre vingt-dix neuf livres à moins de 10 euros. Leur «dernier-né » est un texte de Jean Vanier sur la paix... que ce dernier leur avait proposé d'écrire deux heures avant les attentats du 11 septembre 2001 !
Sabine Bidault - FC n°1326