Rencontre avec Michel et Véronique de Williencourt, les fondateurs des éditions LE LIVRE OUVERT
Tout près de l’église, à l’ombre d’un petit monastère bénédictin, au coeur d’un village de six cents habitants, Michel et Véronique ont jeté l’ancre. C’est au fond du jardin que Michel a établi sa maison d’édition. A vues humaines, cette entreprise est une folie, sans projet préétabli, ni acharnement de rentabilité... Les livres sont de petit format “pour ceux qui n’ont plus le temps de lire”, mais denses. Les auteurs sont choisis au fil des rencontres. C’est d’abord l’abbé Pierre, puis Soeur Emmanuelle, avec qui ils réalisent les premiers livres : la collection Paroles de Vie est lancée ! Quelque temps plus tard, c’est la réalisation de Dossiers, un souhait commun avec Jean Vanier de répondre à des questions actuelles comme la dépression, la violence, la solitude, et d’aborder des thèmes tels : l’Art d’être Parents et Grands-parents, le Mariage... puis Parole de Dieu, une série de commentaires bibliques.
Un auteur qui
ne sait ni lire ni écrire
Vient de sortir le premier titre d’une nouvelle collection Source de Vie : On ne m’a jamais dit pourquoi. Parrainée par Jean Vanier, cette collection veut laisser s’exprimer ceux dont on prétend qu’ils n’ont rien à nous dire : “Toutes ces vies que l’on trouve inutiles, que l’on a tendance à mettre de côté, elles ont leur valeur, leur place”, soulignent Michel et Véronique.
Un autre titre est en train de mûrir, mais cette collection est un appel à témoignages. Les conditions pour être publié ? Que cela puisse faire du bien et devenir ainsi Source de Vie.
Le pauvre au coeur
de leur existence
Dans la maison emplie de souvenirs de bateaux, règne une sérénité à l’image de ses hôtes. Mais à les entendre, il n’en a pas toujours été ainsi.
Véronique a été élevée dans l'amour des chevaux et des enfants, son père ayant créé le premier poney-club de France. “Mes parents y accueillaient des personnes handicapées, ce fut ma première rencontre avec elles.” Michel est passionné de voile depuis l'adolescence. “Je naviguais énormément… de plus en plus, toujours plus loin. Jusqu'au jour où je me suis dit : c'est très sympa pour moi, mais à quoi bon, pour les autres ?”
Au début de leur mariage, Michel et Véronique souhaitent mettre le pauvre au coeur de leur vie en s'engageant comme famille de l'Arche. Mais le Père Thomas Philippe leur conseille : “Fondez d'abord votre famille, ayez un métier, vous verrez ensuite”.
Ils partent en Bretagne, elle comme infirmière, lui comme fabricant de voiles. L'entreprise marche bien. “Je vivais à fond mon métier, mais je rentrais de plus en plus tard le soir, pris dans un engrenage, à tel point que... notre idéal de départ semblait s'éloigner à grands pas.” C'est à ce moment-là que, pendant l'hiver, la Pologne connaît l'état de siège. “Nous y apprenions que les mamans n'avaient plus rien pour vêtir leurs bébés. La nuit, se souvient Véronique, en recouvrant François, notre petit troisième, je pensais à tous ces enfants...” Germe alors en eux l'idée de fabriquer mille turbulettes pour les enfants, et l'idée se propage dans toute la région. La camionnette pleine, Michel part en Pologne avec deux amis. En revenant, il désire changer le cap de sa vie.
Larguer les amarres
Les années qui suivent ne sont pas faciles, la famille “cherche sa voie”. Mais, conduits à travailler dans une imprimerie au service de l'Église, peu à peu germe l'idée de transmettre des “miettes spirituelles” à la portée de tous, en fondant une maison d'édition, pourquoi pas ?
Michel : “Un ami m'a parlé de moines bénédictins, imprimeurs dans l'Aube... Le prieur et sa communauté ont accueilli notre projet, nous ont même prêté une maison et une ancienne grange qui deviendra l'imprimerie.” Le premier livre sort de presse, il est consacré à Marie.
Véronique : “à cette époque là, en accord avec nos enfants, nous avions le souhait d'ouvrir notre famille à un enfant défavorisé. C'est ainsi que nous avons accueilli Matthieu : un bébé trisomique de trois mois”. Quelques mois plus tard (il y a dix ans), Michel, en faisant son jogging, est projeté par une voiture, il échappe miraculeusement à la mort. Suivent de longs séjours à l'hôpital et l'apparition d'intenses douleurs qui perdurent aujourd'hui. Son bras droit est paralysé : “On a failli tout arrêter”, déclare Michel. Et pourtant, grâce à l'aide des moines et de l'entourage, la famille tient bon et les éditions se développent. Aujourd'hui, plus de soixante-dix livres ont vu le jour, même si ce n'est pas comme cela que comptent Michel et Véronique. Car les éditions du Livre Ouvert, c'est avant tout l'oeuvre du Seigneur.
Raphaëlle Simon
(Ombres et Lumière n°133 p.38, 2003)